dimanche 31 mai 2009

REFONDER DÉMOCRATIQUEMENT L’ÉTAT

01.09.01

 

REFONDER DÉMOCRATIQUEMENT  L’ÉTAT 

 

Par MAHI AHMED 

 

Dans une contribution parue dans le quotidien d’Oran du 30 août 2001 avec le titre « Faut-il réformer ou refonder dans notre pays ? » , nous avons tenter de montrer que le déterminant essentiel de la crise profonde de l’État que nous vivons durement depuis des décennies , pour ne pas dire depuis l’indépendance , était la négation de l’exercice démocratique . Nous avons aussi avancé l’idée que la sortie de la crise nécessitait une thérapie de choc et imposait d’œuvrer à  refonder démocratiquement  l’État . C’est une condition essentielle .

Le processus de refondation de l’État ne doit pas être et ne peut être compris comme une rupture radicale à opérer dans la trajectoire de notre cheminement historique depuis l’indépendance nationale . C’est plutôt la traduction d’une prise de conscience large de la nécessité de fonder l’édification de notre État sur la base :

a)     d’une perception commune fine  des réalités actuelles et des évolutions à caractère  durable qui se dessinent à l’échelle nationale et mondiale et ,

b)     d’orientations et de valeurs partagées démocratiquement engageant le pays vers le développement global et l’avenir .

Cela exige de notre nation , si elle veut continuer d’exister et de se consolider et prendre une place agissante et positivement modulatrice dans les dynamiques de recompositions historiques imposées par  la mondialisation en cours , de disposer d’un État qui soit en mesure de l’organiser , de l’animer, d’assurer sa stabilité et de porter son génie créateur au niveau des impératifs du temps et de l’histoire . Une telle refondation de l’État doit savoir prendre en charge , sinon  sa validité serait gravement compromise , les points de force qui se dégagent de notre longue expérience sociale et nationale et qui se rattachent aux déterminants des valeurs découlant du choix de l’exercice démocratique. . L’État , nous devons tous le comprendre , n’est pas ,dans son essence et sa construction ,une institution neutre. Il est l’expression d’un rapport de force social et politique soumis , en principe , dans les États modernes , aux règles de la pratique démocratique . C’est un système d’institutions dont les orientations qui le déterminent , fixent et adaptent sa forme, sont le résultat des rapports démocratiques existants dans la société entre les différentes forces sociales et les organisations politiques défendant leurs intérêts respectifs , celui de la nation et du pays . L’État moderne n’acquiert la permanence de cette qualité ( de moderne) que si le rapport social et politique en évolution continue dont il est l’expression , est capable politiquement et sur le plan de la compétence de le soumettre aux adaptations ou aux réformes qu’impliquent les nécessaires mises à niveau de son efficacité et de son efficience . Car l’État ,en dehors de sa détention de la « violence légitime » , doit être aussi la puissance publique :

a)     concevant et réalisant (en tant que maître d’œuvre ) l’ensemble des services qui favorisent une organisation et une administration harmonieuses de la société , et qui soutiennent ses capacités de production ,de création et d’innovation ,

b)    réglementant et régulant le marché et les relations marchandes et non marchandes pour soutenir le développement global  et son efficacité , son efficience,  sa compétitivité etc

L’État constitue le centre à partir et  autour duquel s’articulent, directement ou indirectement , toutes les structures et tous les flux qui font la vitalité ou la stagnation des environnements nationaux ou internationaux de toute entité de production ou de service .De tels environnements , s’ils ne sont pas judicieusement adaptés aux exigences de qualité , de coûts ,de délais des entreprises et des institutions qui animent la société , c’est à dire aux exigences de l’efficacité ,de l’efficience et de la compétitivité , sont souvent la cause première des problèmes graves liés à la croissance ,à la productivité ,au niveau de vie ,  etc . L’État exerce une influence directe ou indirecte sur l’ensemble des activités de la société . De l’efficacité de l’État dépend , pour une part essentielle ,  le succès de notre système de formation au niveau de tous ses échelons , le développement et l’efficacité de nos infrastructures , de notre système de santé , de notre économie ,de notre culture etc . L’État , c’est avant tout , des hommes et des femmes qui le conçoivent ,le construisent et l’animent .C’est la nature du rapport social et politique qui peut s’établir démocratiquement dans la société ou qu’on lui impose souvent dans certains régimes autoritaires , qui détermine la nature et la qualité de l’État . L’État démocratique ,comme la démocratie sont des conquêtes de tous les instants arrachées , à l’hégémonisme  à l’autoritarisme comme à l’archaïsme et s’élevant ,par l’expérience ,la confrontation pacifique des idées et des projets s’inscrivant dans le cadre de la loi fondamentale , au niveau de culture qui assure l’alternance républicaine ,la stabilité et la validité des institutions .

La mise à niveau de l’État ,de même que sa transformation radicale sont aussi ,de nos jours , des problématiques qui sont au centre des efforts des États modernes dits démocratiques et développés confrontés aux profonds bouleversements provoqués par les processus complexes de la mondialisation Le courant néo-libéral qui imprime sa marque jusqu’à présent au cours de la mondialisation plaide pour toujours moins d’État pour favoriser les dynamiques du marché . L’expérience accumulée par les États et les forces politiques et sociales de tous les pays du monde montre , à l’évidence , que le cours actuel de la mondialisation a besoin d’être soumis à des réglementations et des régulations nationales et internationales qui pondèrent ,dans l’intérêt des États et de leurs rapports équilibrés , les systèmes du marché .Cela doit signifier ,en premier lieu , que le capital spéculatif international , dont l’action dévastatrice , particulièrement pour les pays dits émergents , est avérée , soit contenu dans son action , dans des cadres réglementaires qui réduisent qualitativement et quantitativement la spéculation financière internationale et notamment boursière et participent ,par leur caractère préventif aussi , à  assurer  aux pays , sur la base de leurs stratégies , un développement continu et , pourquoi pas , stable . Cela doit signifier aussi ,en deuxième lieu , que les règles de jeu de la concurrence internationale ,à tous les niveaux , obéisse à des règles transparentes et reposant sur un droit international rénové . La  fougue de la concurrence internationale ne doit en aucune manière ,pour nos pays , étrangler un développement adapté des marchés intérieurs .

Les pays développés qui sont le moteur de la mondialisation ne ménagent aucun effort ,sur la base de l’exercice démocratique , pour refonder leurs États et en faire de véritables organes ,complexes mais souples , administrant , organisant et impulsant ,aux niveaux requis , les différents rouages de la société qui relèvent de leurs fonctions essentielles . Ils veulent refonder leurs États pour développer leur efficacité, leur efficience ,leurs capacités d’innovations et de réactivité face aux mouvements , sans cesse accélérés , de la globalisation.

La nécessité de refonder l’État ,chez nous , repose sur trois objectifs :

1.     engager les forces politiques et sociales à fonder leurs organisations et leurs actions sur une loi fondamentale , fruit de leurs efforts communs , qui enracine et fortifie les valeurs républicaines modernes ,  qui fait du fonctionnement démocratique de notre société et de nos institutions une culture et une pratique profondément partagées et sans cesse développées et vivifiées  et qui soustrait la religion à toute instrumentation politique et idéologique .

2.     assurer une organisation de l’État et de ses institutions qui traduise l’esprit et la lettre de la loi fondamentale démocratique et qui soit orientée vers une compétence toujours plus améliorée de l’administration et de ses diverses fonctions de production de services , de réglementation et de régulation .

3.     orienter les compétences de l’État vers la création des conditions nationales et internationales qui permettent au pays de faire face avantageusement aux multiples défis de la mondialisation .

La refondation de l’État ,chez nous , ne peut être possible , dans la situation actuelle , que si les forces républicaines et démocratiques, politiques et sociales ,où qu’elles se trouvent, sont en mesure de rassembler leurs énergies et d’élaborer concrètement et clairement les points fondamentaux trouvant l’appui des plus larges secteurs de notre peuple et autour desquels peut être organisée la sortie de la crise actuelle , la sauvegarde et le développement de notre société et l’enracinement en son sein de la culture démocratique .La démocratie est certes un apprentissage permanent mais elle ne peut être l’œuvre que de véritables démocrates et ils sont  nombreux dans notre pays . 

 

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